(Nota Bene : une droite aristocratie de riches alternant avec une aristocratie d'apparatchiks, plutôt gauches face au bas-peuple, n'ont pas encore convaincu un pourcentage croissant d'abstentionnistes et non-exprimés).
Le mot ‘travail’ s'est avéré jusqu'ici un artifice redoutable pour noyer le poisson.
Qui essayera de discerner les différents concepts, orthogonaux entre eux, sournoisement amalgamés sous le même mot de ‘travail’ dans le langage politico-médiatique ? La confusion n'a plus ensuite qu'à se voir consacrée dans les textes et discours officiels de nos politiques.
Sous ce prétexte, et parce qu'un contrat entre employeur et employé s'appelle «contrat de travail», on en est venus à trouver tout naturel d'additionner des carottes et des torchons ! et à projeter sur l'échelle unidimensionnelle du salaire perçu les valeurs mutli-dimensionnelles d'un «travail» à géométrie variable.
Pourtant, dans les discours prodigués à droite ou à gauche certaines formes de mérite ne sont jamais mises en avant :
- le mérite du déficient mental qui fournit des efforts harassants pour se conformer à un acte pourtant banal de notre vie courante
- le mérite du médecin ou de l'infirmière qui restent inquiets du sort de leur patients en dehors des heures de service
- le mérite de la femme de service qui commence par les tâches les plus ingrates par souci de l'hygiène collective
- le mérite de celles et ceux qui font passer le souci de leurs carrière et rémunération après celui de l'intérêt collectif...
Ces différentes formes de mérite ont en commun de ne pas être récompensés (explicitement) par une rémunération pécuniaire, d'être des actes gratuits ... et d'être constructifs, profitables pour le vivre ensemble !
Troisième non-dit :
- la question de « protectionnismes» collectifs, et du rôle de l'enveloppe poreuse que constituent les frontières pour éviter la dispersion de nos consensus collectifs.
Cette question en cache une autre : relative à une superposition latente de diverses enveloppes de ce genre.
Au delà d'un certain nationalisme qui fait l'actualité politique depuis... au moins l'ère Mitterand, ne serions nous pas confrontés à des frontières non avouées d'un nouveau genre, de plus en plus prégnantes dans les faits ?
Pourquoi existe-t-il encore des privilèges, des statuts particuliers, au sein d'une France qui prétend à égalité et fraternité ?
Si l'on considère la question du ‘travaill’, pourquoi tous les Français ne sont-ils pas égaux devant le chômage ?
Qu'on ne me dise pas qu'un antagonisme «public/ privé» n'est qu'une vue de l'esprit en France ! même s'il serait intéressant d'affiner la question avec des notions de pseudo-public ou pseudo-privé...
Une autre catégorie d'enveloppes sociales s'est aussi affirmée avec le développement des multinationaleset des délocalisations : de plus en plus de Français deviennent presque plus dépendants de l'entreprise qui les emploie que de la France (où ils ne vivent même plus pour nombre d'entre eux) La ‘culture d'entreprise’ devient plus déterminante pour leur avenir que la culture classique de leur pays d'origine.
Une autre catégorie encore de ces enveloppes parallèles sépare les humains selon des niveaux d'aisance en rien comparables. C'est nouveau, et cela ne fait qu'empirer : vagabonds, «assistés» (soit-disant!), tâcherons, bobos, super-riches, hyper-riches.
On peut alors fortement suspecter que les oppositions simplistes entre «droite», «gauche» et ‘extrêmes’ ne soient en fait entretenues que pour mieux taire et masquer des guerres qui se jouent en douce, plutôt entre les enveloppes parallèles évoquées précédemment.
(Du genre : un candidat qui n'a rien à proposer, crée de toutes pièces un bouc-émissaire, qui sans cette publicité serait resté un parfait inconnu... Le concurrent principal, d'abord «sali» par une proximité avec ce nouveau larron, veut d'abord s'en démarquer. Puis, la facilité prend le dessus; il n'est plus besoin pour aucun parti d'aborder les sujets qui fâchent, c'est à qui se montrera le plus éloigné du diable. Jusqu'à ce que la diabolisation ne finisse par arroser les arroseurs en transformant le diable en arbitre...).
Et le revenu inconditionnel dans tout ça ?
- Hé bien c'est simple : aucun candidat ne veut incarner un peuple vraiment libre qui voudrait déchirer les enveloppes qui l'enferment.
à droite : - comment contraindre des tâcherons s'ils peuvent ne rien foutre ?
à gauche : - comment payer des 'gens du privé' à rien foutre si on doit en faire autant avec «toute la misère du monde» tout en diabolisant l'idée de préserver l'enveloppe de la masse ?
au centre : - si le loisir venait à déborder dans tous les sens, quelle place y aurait-il pour un centre ?
aux extrèmes : - les dirigeants du peuple sont le peuple, mais si jamais le peuple ne voulait plus travailler, il risquerait de ne plus vouloir de dirigeants pour le commander !
Quatrième non-dit :
- Le loisir est au moins aussi indispensable et profitable à notre civilisation que le «travail».
(1)Voir l'ouvrage « Eloge de l'oisiveté » par Bertrand Russell
Puisque l'humanité n'a cessé de vouloir s'affranchir du travail déplaisant, de reléguer à des machines ou robots les corvées et tâches fastidieuses, répétitives et abrutissantes, et puisqu'elle y a maintenant suffisamment bien réussi pour se retrouver face à un chômage souvent concomitant à un excès de production... pourquoi vouloir distribuer toujours plus du travail (au lieu de vouloir d'abord partager le travail) plutôt que de chercher à partager, avant tout, le loisir qui permettra à chacun de s'adonner à ses prédilections ?
Qui peut prétendre à la légitimité citoyenne de décider si la philosophie, la culture, la recherche, la création artistique, littéraire, technique, la prospective, la spéculation, la méditation, l'apprentissage... la prétention à gouverner, etc. relèvent davantage d'un travail ou du loisir de pouvoir échapper à des contraintes harassantes ?