Je viens de retrouver un papier écrit le 03/07/1997 ... il ne sert à rien dans mon tiroir, mais peut-être que sur Okidor il pourrait au moins distraire quelqu'un ? A quoi servirait d'être égoïste et de garder pour soi ce que tous ruminent sans oser l'exprimer ?
Voici donc, tel quel, cette prose datant de 1997 :
Une campagne électorale est souvent l'occasion de mesurer la complexité des choses et le traitement que les dirigeants y apportent.
L'aveu des gains de certains déchaîne envie, colère, stupéfaction : on perçoit la complexité.
Comment faire comprendre aux petits salariés qu'ils sont privilégiés, qu'ils ont la place qu'ils méritent et que, pour la conserver, ils doivent donner plus de temps, plus de participation, plus de résultats afin de maintenir un niveau de vie à :
-
ceux qui ont un salaire
-
ceux qui en ont eu un
-
ceux qui n'en ont pas ?
Comment expliquer aux fils des précédents qui, enfin nantis de diplômes, restent encore pour compte parce que l'école de la République leur a appris l'égalité à travers une certaine idéologie, mais n'a pas pu la leur apprendre à travers le maniement de l'argent, des hommes et du pouvoir ?
Leurs petits enfants devront savoir que la culture, la connaissance, l'ouverture ne suffiront pas pour avoir l'assurance d'un niveau de vie correct.
La réussite personnelle se traduisant par le salaire, il n'y a plus d'argument. Ceci n'encourage-t-il pas une certaine facilité de gain par toutes sortes de voies se résumant par : "pas vu, pas pris" ?
Dans le monde du travail, là où s'élaborent les idées des Grands, les conflits varient avec les remises en cause. Il y a toujours l'antagonisme ouvriers / employés - anciens / nouveaux, mais aussi aujourd'hui : anciens ouvriers / jeunes cadres (ceux-ci enviant à ceux-là leurs prochains 4000 F/mois de retraite. Sédentaires / nomades. Ces nomades qui assurent un « turn over » bien pratique ou qui apportent de nouvelles compétences.
En dénonçant le manque de formation de certains (auxquels on a refusé les stages nécessaires) on a masqué les craintes des autres (crainte d'être supplanté). Ces nomades, mal reconnus, mal perçus, mal rémunérés, évoluent parfois parmi des collègues aux paies généreuses et sûres, auxquels on doit offrir des stages pour les "remotiver".
Chacun perçoit la nécessité de bouger et voudrait aussi sentir l'amorce d'une réorganisation de notre paradis sédentaire, car ces frottements préparent les changements et les conflits de demain.
Les explications simples des grands savants nous dévoilent parfaitement la complexité des choses. Ceux qui vivent les difficultés voudraient savoir comment les perçoivent ceux qui semblent les avoir créées.
Le plus ignorant a conscience de la réduction du monde. Les couleurs de peau, les atavismes, les religions s'éprouvent, se mesurent ... Une chose est commune à tous : la nécessité d'avoir à manger et celle d'avoir un abri ; et nous savons bien qu'il faudra débattre pour pouvoir partager.
La réponse ne sera pas la tour de Babel. Elle ne sera pas la création de nouveaux privilèges.
A l'occasion d'une nouvelle élection qui réactualise l'adéquation politique-économie-redistribution, comment se fait-il que ce futur soit si peu évoqué ?
Nous sommes cantonnés dans le jeu de la cour des Grands, contraints d'entendre leurs discours, leurs bons mots, leurs disputes, pour juger de programmes dans lesquels n'émerge aucune idée qui nous ferait lever le regard sinon la tête.
Qu'attend-on pour nous parler sérieusement ? C'est l'ignorance qui cultive la peur. Comment mûrir quand les données sont masquées ?
Si l'on veut que les "petits" se tiennent tranquilles il faut qu'ils aient l'occasion de mesurer les coudées qui les séparent des "grands" : non pas en francs lourds, mais en faculté potentielle de tracer un avenir.
Sans quoi nous serions tentés de mettre trois bulletins dans la même enveloppe.