l'opinion : débat opinionesque fallacieux !

cf : "Le Monde" du 1° juin 2008, page 15 - "Décryptages"

" .. Régis Debray :
   ...  Or la démocratie, ce n'est pas la dictature de la popularité. Aujourd'hui ne devient légitime que ce qui est populaire et ça fonctionne en boucle ...
[...] Bref, la politique se dissout dans la sociologie; elle n'est plus un choix de société plus ou moins éclairé, à la suite d'un débat contradictoire et d'une délibération
.
{ commentaire perso :
  "elle n'est plus un choix de société ..."   
=> Ah bon ! parce que cela a été ça la 'politique' ? Quand ? Où ?   ... et pour qui donc alors ?  
Est-ce que, même depuis que je suis en âge de voter, j'ai jamais eu l'occasion d'influencer le cours des affaires publiques lors d'un seul "débat contradictoire" ou de la moindre "délibération" à laquelle j'aurais été convié ?
   à moins que "La politique" ne soit donc réservée à ... des gens que le commun des citoyens n'a jamais l'occasion de cotoyer ?
}

[...]    Avec Internet, nous assistons à l'apparition d'une opinion tout à fait insolite, réticulaire et disséminée, qui ne répond plus à un système hiérarchique et centralisé.

{ réticulaire :  "en forme de réseau"
Attention :  la façon de dépeindre cette "opinion insolite" traduit d'abord et surtout ce qu'on perçoit de cette "opinion", avant que d'informer, accessoirement, sur une vérité observée ! ( Ce n'est qu'une opinion sur l'opinion en quelque sorte !)
  Je veux bien comprendre que l'Internet, à travers les Blogs, les e-mails et autres ...,  permet certainement de percevoir beaucoup plus finement qu'auparavant, des caractériques de l'opinion dont on ne s'était jamais soucié jusqu'ici ...
  Au fait doit-on comprendre "disséminée" comme un trait inhérent à cette vue de l'opinion, ou comme un passif subi par l'opinion :  dans ce cas, qui est implicitement suspecté de disséminer l'opinon ? Cela supposerait surtout l'a priori que l'opinion soit 'disséminable" ! ...  L'ambiguïté du propos mériterait d'être levée.
* "qui ne répond plus à un système hiérarchique et centralisé" :
  est-ce un satisfecit, ou plutôt un regret ? comme le laisse supposer l'ajectif "insolite" qualifiant cette nouvelle variété d'opinion dont nous assisterions à l'apparition ? Ce nouveau genre d'opinion n'atteindrait donc pas l'observateur qui en parle? Il y serait immunisé, lui ? Celui qui assiste à cette apparition, aurait-il donc des opinions d'un genre moins insolite ? A moins qu'il n'ait pas d'opinion du tout ?   .... C'est confondant tout ça, du coup, je n'ose même plus m'en faire une opinion !
}

... Avec l'Internet, ce n'est pas "Tous prêtres!", mais "Tous journalistes !" ...

{ "Tous prêtres!" : là , y'a sûrement une allusion qui m'échappe ...
   quant à " Tous journaliste !", faudrait-il le déplorer ?
  et le fait de s'arrêter à cette alternative est réducteur : ce qui encore une fois trahit des a priori ! ... ;-(
 En effet, pourquoi oublier de considérer que l'Internet permet, et procure effectivement, pour tous, un débit d'informations bidirectionnel ? ( avec une voie montante, mais surtout une voie descendante, d'ailleurs plus rapide ! ...)
}

  La déstabilisation est considérable.
 Est-ce une libération ? Je n'en suis pas sûr du tout.  Car ce système est en train d'engendrer une démocratie plébiscitaire, assouplie par l'image et quotidiannisée par les sondages.
 Cette contraction des temps, ce repli des chronologies sur l'instant présent, cette dictature de l'émotif et de l'impression me semblent très dangereux.

{  * Qui est déstabilisé ?  
   et puis, est-ce forcément un mal ?

 plébiscite = n.m. Vote direct du peuple, par lequel il est appelé à un choix ou à une approbation
(La notion inclut le référendum)

  * Le référendum n'est pas nouveau dans notre Constitution que je sache !  Y aurait-il une objection de principe au référendum ?
   'démocratie plébiscitaire'  ? : décidément la démocratie tout court, quel gros mot !
 Ne peut-on concevoir une démocratie sans lui accoler un qualificatif qui lui fait perdre tout son sens ?
(   'démocratie représentative' , 'démocratie participative', et maintenant : 'démocratie plébiscitaire'  ? !)
  assouplie par l'image : ???  parce qu'une 'démocratie plébiscitaire' serait forcément plus rigide et rapeuse qu'une 'démocratie représentative' ?
  * "quotidiannisée par les sondages" :
    cela laisse implicitement entendre que le sondage est vu ici comme un outil de plébicitage. Alors là non ! pas du tout d'accord ! Comment, (à ce niveau !) ne pas voir la différence essentielle, entre la technique officielle du référendum, vérifiable, et les tours de passe-passe du sondage ? S'il était possible d'officialiser les manipulations.aboutissant à un résultat de sondage, si l'on pouvait convaincre les citoyens que ces résultats sont fiables, reproductibles et vérifiables, je pense que cela aurait déjà été intégré depuis longtemps à la panoplie des légitimations politiques !
*  contraction des temps ? repli des chronologies ? dictature de l'émotif et de l'impression ? : tout cela ne révèle que les a priori de celui qui s'exprime ...
  On a l'impression que pour cet orateur, le peuple ne peut avoir que des 'opinions' (qui plus est du genre particulier dont il noircit le tableau) tandis que des Politiques seraient, eux,en prise directe avec La Vérité !
}

Jacques Julliard :  
  " ... J'ai tendance à penser que la démocratie directe, quelle qu'en soit la forme, marque la fin de ce que nous appelons traditionnellement la politique, c'est à dire une activité séparée, fondée sur le clivage entre représentants et représentés. Une certaine vision universaliste de la politique est en train de mourir sous nos yeux. Il faut en prendre conscience pour empêcher que cette disparition n'aboutisse au déclin de ce qui est consubstantiel de la démocratie - et que la démocratie ne garantit pas : la protection des libertés.

{ quel aveu ! C'était donc bien ça la conception démocratique des 'Grands' ! :
 "ce que nous appelons traditionnellement la politique" :  " une activité séparée, fondée sur le clivage entre représentants et représentés" ...
    Parce que cette "certaine vision universaliste" jusqu'ici nous a assuré et continue de nous assurer " la protection des libertés" ?? !!
}

Régis Debray :
  Dans la hiérarchie philosophique, l'opinion est le degré le plus bas du savoir,  quelque chose comme le préjugé, un état mental qui porte à donner son assentiment à une certaine représentation. Elle est tout le contraire de la conviction, qui n'est pas une question d'assentiment mais d'existence. On ne meurt pas pour une opinion, on peut mourir pour une conviction.
 ... C'est dans le domaine internationnal que l'opinion délire complètement : nous n'avons plus aucune idée de ce qu'est le monde extérieur parce que, précisément, l'opinion règne.

{ CQFD :
   le peuple ne sait pas réfléchir, il n'est capable que d'opinions , et "l'opinion est le degré le plus bas du savoir" !
 On peut accessoirement tolérer que ce peuple prétende attendre de pouvoir "donner son assentiment à une certaine représentation" qui lui est présentée par des méritants clairvoyants ...
Le peuple peut bien avoir l'opinion qu'on se fout de lui, mais il est bien incapable d'en avoir la conviction, sans quoi il en mourrait de chagin !
Ce peuple ne saurait prétendre à l'existence, c'est bien pour cela, puisqu'il n'existe pas donc, qu'on n'aura pas sa peau. 
 Et dans le "monde extérieur", l'opinion du peuple est la reine : ça fait rire tout le monde, c'est du délire !
}